Charte du Mandé (1236) — humanisme africain & Bogolan

Charte du Mandé (1236) — humanisme africain & Bogolan

Bien avant la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, l’assemblée de Kurukan Fuga a formulé, au XIIIe siècle, des principes de liberté, de dignité et de solidarité. Voici un contexte clair et la lecture intégrale — formulation moderne fidèle — des 44 articles transmis par la tradition orale et fixés par des reconstitutions contemporaines.

Chez Kaolack Créations, la mode africaine n’est pas une tendance : c’est une mémoire. Nos pièces en bogolan s’inscrivent dans la continuité bamanan (Bambara) au sein d’un espace culturel plus vaste : l’ancien Empire du Mali. Notre partenaire, Mamadou Traoré, est basé à Kolokani (région de Koulikoro, Mali) — mais le bogolan se tisse et se teint dans de nombreuses zones du monde mandingue (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal…), avec des variantes locales comme le bogolan dogon, le sogala ou le galafini.

Pour prolonger la lecture : Collection bogolan · Histoire du bogolan (article)

Kurukan Fuga, Empire du Mali et rôle des chasseurs

Au XIIIe siècle, après la victoire de Soundiata Keïta, une grande assemblée se tient à Kurukan Fuga. Elle établit un corpus de règles pour l’Empire du Mali — un espace politique bien plus vaste que l’État malien actuel. Ce texte est de nature orale et a été reconstitué beaucoup plus tard à partir des dires de traditionnistes mandingues et de griots.

Dans ce même univers culturel, le bogolan des Bamanan relie la terre, la plante, le corps : teinture à la boue, décantations végétales, signes codés, usages sociaux dont l’univers des chasseurs. Le bogolan n’est pas “inspiré du Mandé” : il appartient à la tradition bamanan et s’est diffusé dans l’ancien espace mandingue avec des variantes (article : histoire du bogolan).

La Charte du Mandé — 44 articles (formulation moderne fidèle)

La liste ci-dessous reprend, dans l’ordre, le contenu des 44 articles tels qu’ils sont reconstitués à partir de la tradition orale (atelier de Kankan, 1998), en évitant de figer une seule traduction écrite. Elle respecte l’esprit, la structure et le périmètre des articles.

  1. La vie humaine est inviolable. Toute vie est une vie : dignité et intégrité pour chacun.
  2. Égalité de valeur entre les personnes. Nul être supérieur en droits à un autre.
  3. Devoir de solidarité. Soutien mutuel : personne ne doit être laissé pour compte.
  4. Protection de la famille. Nourrir, éduquer, honorer les anciens, protéger les plus jeunes.
  5. Refus de la faim et de l’asservissement. Interdiction d’affamer, d’enchaîner, d’exploiter un humain.
  6. La communauté avant le territoire. La patrie, ce sont d’abord les hommes et les femmes qui la composent.
  7. Préférence pour la paix. Prévenir les conflits, bannir la violence gratuite.
  8. Liberté personnelle. Nul ne peut disposer du corps d’autrui : chacun est libre de sa personne.
  9. Responsabilité individuelle. Chacun répond de ses actes : pas de faute collective imposée.
  10. Justice impartiale. Écoute de toutes les parties, équité, mesure dans la sanction.
  11. Réparation des torts. Restaurer les équilibres, compenser sans excès.
  12. Protection des plus vulnérables. Orphelins, veuves, personnes fragiles : assistance prioritaire.
  13. Hospitalité sacrée. Respecter et protéger l’hôte et l’étranger.
  14. Liberté de circulation. Aller et venir sans entraves injustes dans l’espace mandingue.
  15. Primauté de la parole. Discuter avant d’agir : la médiation prime sur la force.
  16. Vérité de la parole donnée. Refus de la calomnie et du mensonge : la parole engage.
  17. Respect des pactes. Honorer les alliances, tenir les serments, accepter les médiations.
  18. Organisation des clans et charges. Répartition claire des responsabilités au bénéfice du bien commun.
  19. Conseil des sages. Écouter les détenteurs de mémoire, s’appuyer sur leurs avis.
  20. Rôle des djéli (griots). Gardiens de la parole, médiateurs sociaux reconnus.
  21. Rôle des nyamakala (corps de métiers). Reconnaître leurs savoirs et leurs monopoles artisans.
  22. Défense sans tyrannie. Les porteurs d’arc protègent sans piller ni opprimer.
  23. Tolérance des cultes et croyances. Respect du sacré, équilibre visible/invisible.
  24. Préservation des lieux de savoir. Sanctuariser maisons de parole, espaces de mémoire, savoirs utiles.
  25. Parenté et mariage. Préserver les interdits, éviter unions illicites, protéger les lignées.
  26. Respect des femmes. Dignité, consentement, droits familiaux et communautaires.
  27. Protection des enfants. Droit aux soins, à l’éducation, à une filiation claire.
  28. Devoir des chefs. Exemplaires et justes, garants de la paix et du bien commun.
  29. Succession régulée. Clarifier l’héritage, prévenir querelles, respecter l’usage.
  30. Bon voisinage. Cohabiter sans nuisance, régler les différends par la parole.
  31. Statut des biens. Définir la propriété, éviter les accaparements, partager avec justice.
  32. Transmission des terres. Hériter sans spoliation : la terre nourrit la communauté.
  33. Biens communs protégés. Points d’eau, pâturages, chemins : usage équitable.
  34. Commerce loyal. Mesures justes, prix honnêtes, rejet de la fraude.
  35. Responsabilité en cas de dommage. Réparer ce qui a été détruit, compenser sans excès.
  36. Accès au marché. Laisser chacun vendre et acheter sans entraves indues.
  37. Protection des cultures. Respecter semences, champs, récoltes : pas de déprédations.
  38. Protection de la faune. Chasse mesurée, saisons respectées : éviter l’extinction.
  39. Protection des forêts et des eaux. Préserver les sources, ménager les arbres utiles.
  40. Écologie du voisinage. Maîtriser feu, élevage, irrigation : pas de nuisance aux voisins.
  41. Devoir de partage. Secourir celui qui manque : personne sans ressources vitales.
  42. Sanction de la trahison. La trahison rompt la confiance : réparation et exclusion possibles.
  43. Assistance en danger. Secourir le voyageur, le blessé, le vulnérable.
  44. Médiation avant la force. Toujours tenter la conciliation par les sages.
  45. Interdiction de la vengeance privée. La justice relève de la communauté régulée.
  46. Application commune de la Charte. Tous responsables de sa mise en œuvre : nul au-dessus des règles.

À lire aussi : Mode africaine authentique · Histoire du bogolan

Héritage vivant

La Charte du Mandé affirme : la vie d’abord, la justice avec mesure, la responsabilité partagée. Le bogolan bamanan prolonge ces valeurs par le geste : terre, plante, tissage, teinture, signes. Porter ces tissus, c’est conjuguer quotidien et exigence — la dignité ne se négocie pas.

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Sources & références

Remarque : la Charte est un patrimoine oral. Les textes modernes en 44 articles sont des reconstructions publiées à partir de la tradition (1998). La formulation ci-dessus en restitue fidèlement le contenu sans figer une traduction unique.

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